La charpente industrielle est une histoire de famille pour les Jugla. Et pour raconter l’histoire de Karine Jugla, il faut revenir sur celle des Charpentes Jugla. Tout commence donc par son grand-père qui en 1959 crée à Pleumartin une scierie. Serge, le père de Karine reprend la société en 1976 et tout en restant dans les métiers du bois, l’oriente vers la charpente industrielle. Les équipes conçoivent, fabriquent et livrent les charpentes prêtes à monter aux constructeurs et charpentiers. L’entreprise dans ses années fastes, a employé jusqu’à 50 salariés et assurait 25 chantiers par jour. Annie, sa mère travaillait aussi dans la PME.
De son côté Karine Jugla suit des études de marketing à Toulouse jusqu’au master. Elle devient responsable commerciale pour un groupe pharmaceutique, puis pour la grande distribution. « J’ai voulu faire mes armes ailleurs, je ne voulais pas être la fille de … » Elle rejoint l’entreprise familiale en 2007 en tant que commerciale.
En 2001, son père avait vendu une partie des parts de l’entreprise au groupe Charpentes Françaises. En 2008, le groupe Wolseley rachète l’ensemble. La cohabitation avec la direction anglaise ne se passe pas bien. Après la mise à l’écart de son père, c’est au tour de Karine Jugla de partir.
Tout recréer
Par passion, pour ne pas laisser leur savoir-faire s’envoler, la jeune femme et son père recréent alors en 2011 une entreprise spécialisée dans la charpente industrielle : Ventura. « C’est le nom de famille de ma grand-mère … La saga familiale ne pouvait pas finir comme ça. » Tout est à reconstruire. « De nombreux clients voulaient nous suivre, ainsi que des salariés. Les banques ont été au rendez-vous. C’était la reconnaissance de notre expérience. » Il a fallu repartir de zéro, trouver un terrain, du matériel, embaucher … « C’était une évidence pour nous, mais il y avait des risques. Le bâtiment n’allait pas forcément très bien à cette époque. » L’agglomération de Châtellerault leur tend les bras. Ils démarrent l’activité à la pépinière d’entreprises René Monory, puis trouvent leur bonheur à Saint-Sauvant. Ventura est spécialisée dans la charpente industrielle, mais aussi traditionnelle et réalise quelques ossatures bois. Aujourd’hui, la PME rayonne sur neuf départements du Centre et de l’Ouest, emploie 30 salariés et livre 10 pavillons par jour en moyenne.
Un retour aux sources
L’histoire aurait pu suivre son cours, tranquillement, mais Karine Jugla souhaitait agrandir l’entreprise. Souhaitant recentrer ses activités, le groupe anglais se séparait de l’activité Charpentes Françaises alors en dépôt de bilan. En juillet 2018, Karine Jugla se positionne pour racheter le site de Pleumartin et l’obtient. « Nous sommes revenus chez nous … Nous avons racheté notre nom et c’est une grande satisfaction. » Le logo est redevenu celui d’avant le rachat, celui de son père. Non sans émotion, ils retrouvent certains anciens salariés et une entreprise qui fonctionne bien avec 18 personnes pour une moyenne de six chantiers par jour. « Avec notre capacité de production, l’entreprise peut encore se développer. »
… pour mieux avancer
A la fin de l’été dernier, Karine Jugla a souhaité réorganiser et rassembler toute l’équipe administrative sur un même site, à Pleumartin. Le bureau d’études, de 8 salariés, est également sur place. « C’est le vrai plus de la société. Nous avons la chance d’avoir des personnes très expérimentées pour cette partie de calculs et de réalisation des plans. Tout l’enjeu est d’assurer un service de qualité, de donner une réponse rapide et claire. » Elle a recruté un nouveau commercial et souhaiterait étoffer encore le bureau d’études. Un poste de métreur en charpente est ainsi à pourvoir.
Aujourd’hui, les clients sont contents. Le chiffre d’affaires des deux sociétés atteint les 7 millions d’euros. « La pente est bonne même si ce n’est pas toujours facile. » Elle est la seule dirigeante en France exerçant dans la charpente. « Il a fallu faire mes preuves, surtout quand on est une femme et une fille de, mais une fois que mes interlocuteurs constatent que je suis crédible, fiable, il y a beaucoup de respect. Et je suis très bien épaulée. Il y a toujours mon père, mais aussi mon bras droit et les équipes. Les nuits sont parfois difficiles, mais c’est un métier que j’aime. C’est motivant de se lever le matin pour quelque chose en quoi on croit. »